Le 31 juillet 2023 a marqué un tournant dans la “bataille” des standards, entre la SEC américaine (Securities and Exchange Commission), l’ESB anglo-saxonne (International Sustainability Standards Board) et l’EFRAG européen (European Financial Reporting Advisory Group), qui se déroule depuis presque deux ans déjà, pour définir quels seront ceux utilisés par les entreprises pour établir leurs rapports extra-financier.
Pour en savoir plus, Tek4life est allé à la rencontre d’Emmanuel Flattet, associé au cabinet .Figures. Il s’agit d’un cabinet grands comptes, de conseil, d’expertise-comptable et d’audit spécialisé sur les enjeux de transition socio-écologique.
Il est au fait des avancés réglementaires, qu’il suit de près, et partage son expertise dans le cadre de la formation Mesures d’impact et comptabilités socio-environnementales, organisée par Tek4life.
En juillet, une étape importante a été franchie en matière de durabilité des entreprises. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui, le parlement européen a adopté un texte structurant sur les déclarations de performance extra-financier : la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
Elle vient remplacer de manière plus ambitieuse la NFRD (non financial reporting directive), à l’origine de l’obligation de la DPEF (déclaration de performance extra-financière).
Elle définit précisément la manière dont les entreprises vont devoir reporter, en matière d’extra-financier, dans les années à venir. Cette directive européenne est en cours de transposition dans tous les pays européens.
Les normes comptables utilisées dans la CSRD ont été définies et conçues par l’EFRAG et sont maintenant définitives. Ces normes sont assez éloignées de la vision anglo-saxonne et de la proposition faite par l’ISSB. La principale différence vient de la notion de matérialité. L’EFRAG a fondamentalement écrit des normes qui s’appuient sur la double matérialité, alors que l’ISSB raisonne en matérialité simple.
Alors que la matérialité financière (simple) prend en compte les risques et opportunités des évènements socio-environnementaux externes à l’entreprise qui pourraient faire fluctuer sa valorisation financière, la matérialité d’impact (double) prend également en compte les impacts socio-environnementaux dont l’entreprise est à l’origine. (voir l’article d’Alexandre Rambaud : Normes extra-financières, pourquoi l’Europe doit l’emporter)
La différence de position se traduit concrètement , dans la vision européenne de la matérialité d’impact, par une exigence de chiffrage des impacts sociaux et environnementaux des entreprises, et de fait la préparation de plans d’actions associés.
La mise en application de ces normes suit un calendrier échelonné. Les premières entreprises vont devoir appliquer le texte en 2025, sur les données de l’exercice 2024. Suivant des critères bien définis, d’autres entreprises suivront en 2026, 2027 et 2028.
Selon vous, les entreprises sont-elles prêtes à relever ce défis ?
Il est vrai que l’on donne une marche un peu haute à franchir aux entreprises, mais le temps presse et il faut que le niveau d’ambition réglementaire soit élevé.
Dans un premier temps, les reportings ne seront pas parfaits. Mais je pense qu’il est effectivement préférable qu’on soit d’emblée au niveau d’ambition attendu. La CSRD et cette exigence de double matérialité structure la pensée, structure les travaux des entreprises et leur donne une direction. Elles se rendent compte progressivement du niveau d’exigence de ce texte : ce n’est pas simplement un exercice de reporting. De façon sous-jacente, c’est une exigence de transformation.
Les entreprises sont en pleine phase de découverte, d’exploration, de compréhension sur ces sujets. Alors que certaines atteignent déjà un certain niveau de maturité, et donc envisagent cette réforme de manière sereine, d’autres, celles qui n’étaient pas encore soumises à la NFRD notamment, sont un peu en panique.
Quels seront les indicateurs utilisés par les entreprises pour établir ce reporting ?
Les entreprises vont devoir s’organiser pour calculer les indicateurs qui leur seront réclamés, dans leur cas particulier. Les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sont assez directives et une bonne partie des indicateurs demandés seront inscrits dans les normes.
Toutes les entreprises ne vont pas devoir fournir les mêmes indicateurs. Ils seront basés sur la taille de l’entreprise, et sur son analyse de matérialité. Si la biodiversité ressort comme un élément matériel, c’est-à-dire significatif, ou l’eau, ou les polluants, elle devra alors fournir des indications très précises sur ce sujet ; en revanche, si elle considère dans son analyse de matérialité que le sujet n’est pas significatif, elle n’aura pas à fournir de chiffres sur ce sujet là.
Quelles sont les incidences pour la profession comptable ?
Cette réforme est en train de faire évoluer, de manière significative, la profession comptable. Alors qu’aujourd’hui la comptabilité ne travaille que sur la matière financière, elle va devoir demain travailler aussi bien sur la matière financière que sur la matière extra-financière, qui est en train de s’élever au même niveau.
Tous les comptables d’entreprise ou de cabinet vont devoir s’y mettre assez vite. Ça va être un chantier considérable.
Des formations au service de l’acculturation des entreprises.
“Des formations d’ouverture sur ces sujets et des formations plus techniques sur des sujets bien précis, les deux sont complémentaires.”
Je suis les travaux de Tek4life depuis ses débuts. Je connais très bien Dorothée Browaeys et j’ai participé à l’Alliance ComptaRegeneration.
La formation donnée par Tek4life sur les mesures d’impact et comptabilités socio-environnementales, répond parfaitement aux besoins d’un certain nombre d’acteurs, de personnes qui ont envie d’apprendre et de se positionner sur ces sujets. C’est une formation d’ouverture sur le sujet de la mesure dans le cadre de la transition.
Chez .Figures nous proposons aussi des formations. Elles sont beaucoup plus techniques, et sur des sujets très précis, comme la CSRD justement.