La récente controverse sur le menu sans viande dans les cantines scolaires lyonnaises ‒ une solution temporaire d’adaptation aux nouvelles restrictions anti-covid ‒ rappelle l’importance de la dimension proprement existentielle de la reconversion écologique. Des anthropologues et économistes tels que Christian Arnsperger et Eloi Laurent ont montré que le projet humaniste d’un progrès pour tous, qui visait à satisfaire les besoins, à commencer par celui de manger à sa faim, est devenu une mécanique sans frein de croissance matérielle, donnant lieu à une compulsion permanente à produire et avoir toujours plus. D’autant que les inégalités sociales alimentent le sentiment de manque et la quête d’un « plus » (assimilé à du mieux) par ceux qui ont moins.
Du même coup, on perçoit la difficulté des politiques de reconversion écologique, qui doivent à la fois améliorer les vécus quotidiens et inégalitaires des gens (et de leurs enfants), et casser la logique existentielle de croissance. Compliqué mais pas impossible si l’on admet que nous avons tous la capacité de changer nos manières d’exister, ce que Arnsperger nomme la « plasticité anthropologique ».
La question existentielle de la transition
Ce changement peut provenir d’une reconsidération de ce à quoi l’on tient, et d’un transfert des désirs sur autre chose que les objets qui donnent le sentiment d’être « à la hauteur » (de son voisin, du régime alimentaire idéal…). Par exemple sur des choses qui enrichissent le sens de l’existence à tel point qu’elles feront apparaître la « quête du plus » comme moins intéressante. Banalement, diminuer sa consommation de viande pour la remplacer par des légumineuses ne peut faire de mal, bien au contraire, vous diront tous les nutritionnistes ; qui plus est, cette petite variation de la manière d’exister prend du sens au regard des impacts environnementaux considérables de la production de viande !
Avec beaucoup d’autres, l’équipe de Tek4life observe que ce changement de valeurs peut découler, pour tout un chacun, de la considération du vivant (l’animal comme la légumineuse), d’un nouveau regard porté sur sa valeur intrinsèque, faite de mille beautés, ingéniosités, mystères, qui rend nécessaire de le préserver. D’autant plus que cette valeur immanente se double de valeurs pratiques pour nos sociétés, les fameux « services écosystémiques ».
Une culture du vivant qui passe aux actes
Cette « culture du vivant », est remarquablement documentée dans le livre Biomiméthique, que vient de publier Emmanuel Delannoy, consultant chez Pikaia. Emmanuel souligne qu’il ne s’agit pas de « faire moins mal » mais de répondre à une nécessité pratique, vitale et stratégique. « L’économie ne peut plus se contenter d’être ’’circulaire’’ ou ’’neutre en CO2’’, elle doit désormais être régénératrice – ou si l’on préfère – réparatrice, en réalisant des externalités positives. »
De même, la philosophe Corine Pelluchon invite, dans Les lumières à l’âge du vivant, à « passer d’un schème de la domination à une matrice basée sur la considération ». Autre repère, le dernier hors-série (décembre 2020 – février 2021) de la revue Socialter, confié au philosophe Baptiste Morizot, explicite ce qu’implique aujourd’hui de renouer avec le vivant, comme Tek4life l’a proposé en janvier 2020 dans le Manifeste pour refonder le vivant, publié avec Entrepreneurs d’avenir.
Un pas supplémentaire peut être franchi quand cette « culture du vivant » s’incarne dans de l’opérationnel. C’est ce que tente de réaliser Tek4life avec l’Alliance ComptaRégénération, lancée fin 2019. Cette communauté d’acteurs apprenants cherche à permettre aux organisations économiques de « prendre en compte » les logiques et rythmes du vivant, pour donner corps à des comptabilités écocompatibles, au sein des entreprises notamment.
Une cartographie de la comptabilité écologique
Un an et demi après le début de ses travaux, l’Alliance est sur le point de livrer sa Cartographie des enjeux, des acteurs et des controverses d’une comptabilité multidimensionnelle et écocompatible. A cette occasion, elle vous invite à deux webinaires gratuits, les 10 et 11 mars, sur deux thèmes « Piloter sa transition : le rôle déterminant d’une information comptable multidimensionnelle », et « Comment la comptabilité écologique peut valoriser les investissements verts ».
En amont, trois membres de l’Alliance, Bruno Adhémar, cofondateur de Sublime Energie, Emmanuel Flattet, associé RSM France, et Rachel Kolbe, directrice RSE du Groupe In Vivo, apportent leurs témoignages dans de courtes vidéos.
Poursuivant son travail sur les filières plastiques, Tek4life lance fin mars le Pact4EcoPlastics, une prospective collective sur la valorisation écocompatible des plastiques, consacrée cette année aux emballages. Le lancement du Pacte aura lieu en ligne le 25 mars, de 11h30 à 13h. Il est encore possible de se joindre à cette initiative.